L’AVENTURE

Du coin du feu de la cheminée, avec les flammes qui s’enflamment, bien presses de consommer les restes de ce qui fut un jour , un arbre vigoureux et feuillu, et qui aujourd'hui il n'en reste plus qu’une pauvre bûche de bois déjà bien vieille, flammes ardentes et lumineuses qui semblent me rappeler, oh combien sont éphémères les choses de cette vie, ces flammes mêmes qui arrivent à réveiller mes nostalgies…

- C’est quoi cette déprime ? - Me dit le petit diable qui habite au fond de mon cerveau et qui me fait dire et aussi faire des bêtises- Fait quelque chose, réveille toi ! Ne reste pas là ! Bouge ! Fait un voyage comme tout le monde, par exemple !

- Je n’aime pas les voyages, d'ailleurs, je pense qu’il n'y a plus de vrais voyages, on ne vois plus la nature changer au fur et à mesure du voyage, on est transposé d'un seul coup au loin, en arctique en amazonie, au tibet etc. et puis on rentre mine de rien comme quelqu’un qui revient de la ville d'à côté. En ces temps-ci, tout le monde fait des voyages, presque par obligation…

- Qu’est-ce que tu racontes! Tu as déjà fait des voyages! Et tu as déjà pris l'avion!

- L'avion oui, mais c’est plus pour partir loin des mystères humains. - Je lui répond - Et ce n’est pas important la destination. Ce que j’aime dans l’avion, c’est l'excitation de tourner la clé de ma porte et de me dire que je serai absent, loin de tout pendant plusieurs jours, puis d’arriver à l'aéroport et passer une à une chacune des barrières, jusqu’en fin, avoir la délivrance de savoir que je suis dans la zone internationale…

- Ouf, c’est comme si on avait appuyé sur un grand bouton “pause” dans ma vie. Derrière il reste tous les tracas de la vie courante, derrière sont les troubles, le stress et les soucis, ça me fait sentir loin de tout, mon cerveau se perd dans l'infini, il plane très haut, peut-être même à dix kilomètres d’altitude sans trop vouloir descendre.

- Le reste du voyage est à peine intéressant à mes jeux, tellement la planète me semble égale à elle même par tout, toujours de monuments religieux que chacun construit à son vrai et unique dieu ou alors des monuments toujours plus imposants pour montrer la puissance d'une civilisation, ou tout simplement la puissance d’un homme…

- C’est très réducteur tout ça - me dit le diablotin- tu as pourtant bien aimé ton voyage au Vietnam ha ha ha. Allais, raconte, ça te fera du bien!

Mais, il n’y a rien d’important à raconter.

Voilà, je suis parti au Vietnam, ou plutôt dirais je, nous sommes partis. En effet, nous somme quatre couples , un couple de médecins, un couple de dentistes qui de toute vraisemblance ont des affinités entre eux car ils se frequentent depuis la fac, un couple d’amis à nous qui aimment bien notre façon de voyager et ma femme et moi. Ce sont nos amis qui ont invité les médecins. Moi, personnellement je préfère voyager seul.

A l'aéroport, dans la zone internationale, c’est l'euphorie totale, ça parle dans tous les sens et ça rigole. Pas moi.

- Tu as quand même parlé avec le médecin! -me dit le diablotin

- Oui, il a essayé de me convaincre qu’il est un type très très sympa et agréable. Je le croie, mais je m'en fous.

Le reste du voyage je l’ai passé en silence

lendemain, on s'est réveillé à Hanoi dans le vieux centre, on a déjeuné dans la rue, puis on est allé à l’agence rencontrer notre guide.

Et oui, on aura un véhicule de type minibus et un guide. Je ne me reconnais pas. Pendant très longtemp j’ai toujours considéré que d’avoir un guide c’était un truc de vieux, mais force est de le reconnaître, je suis vieux et je n’ai plus envie d’arriver à un endroit et de gaspiller toute la matinée à chercher dans les cartes, les guides et l’office de tourisme quoi faire et qu’est-ce qu’il y a d'intéressant à voir.

C’est tellement plus facile d'expliquer ce qui nous intéresse au guide et de choisir sur place.

On est reçu par la directrice de l’agence, elle est un peu gênée, le guide est en retard, elle essaye de gagner du temps, nous explique que notre guide est le meilleur du Vietnam. Il nous raconte l’histoire de la création de sa société, son implantation dans le pays et comment les groupes de français sont plus appréciés que les autres. Vous allez bien voir tout ça avec Bak (c’est le nom du guide)

class ="indent"> - Jean Sébastien Bach - me dit mon petit diable- Je le laisse parler

Les minutes passent, elle continue à parler et Bak n’est toujours pas là.

Quand elle a commencé à paniquer et à regarder le plafond, j’ai dit.

- Il est où Jean Sébastien alors

- Jean Sébastien? - Répète la directrice

- Oui, il est très connu en Europe, Jean Sébastien Bach, le musicien, quoi.

Personne n'a compris ma blague à deux balles. Alors j’ai continué.

- Je vais l’appeler Jean, car Jean Sébastien Bach c’est trop long.

Juste à ce moment-là, il est rentré dans les bureaux. J’ai profité pour lui sauter à la gorge

- Salut Jean, mon pote. Voilà, nous on veut PAS voir ce que veulent voir tous les touristes…

Il est étonné, il nous regarde lentement puis il dit

- C’est qui Jean?

Je lui explique, il se sent très honoré d’être comparé à un grand musicien, mais il préfère qu’on l’appelle Bak tout court.

- Vous ne voulez pas voir ce que voit le touriste normal? Mais alors quoi?

- Dans le temps, -j’ai continué à lui dire- j'essayais de vivre comme les locaux, et même si l’on risque de choper une bonne gastro de trois jours, je voulais manger comme les locaux. Savoir comment ils vivent.

-Ah et on aimerait aussi aller dans une école des petits enfants. On a des cadeaux pour les enfants. C’est notre plaisir.

La directrice qui était prête à le sermonner, en voyant que la conversation était bien engagé, elle lui a fait des gros yeux et elle est partie en disant “je vous laisse avec lui”

Bak lui, il nous lance un grand regard d’interrogation, ses petits yeux asiatiques sont devenus bien ronds, il réfléchit longuement puis il dit.

- On va prendre un café.

- Quoi? Mais nous on a déjà pris un café.

- C’est un café avec un œuf dedans. - il ajoute

Il a lancé un regard malin, il en a profité pour se présenter et parler de lui. Puis il a finit en disant:

-Le café, vous ne pouvez pas dire non. Aucun touriste n'y va et vous m'aviez bien dit -il répète lentement moqueur- que vous ne voulez pas voir ce que voit le touriste normal.

Et il ajoute la sentence avec son français bien à lui

- C’est obligation alors, n’est-ce pas?

Il nous a fait signe de le suivre et on est sorti dans la rue. On a marché pendant un bon quart d’heure, puis soudain il s’est enfoncé dans une petite ruelle que nous on aurait dit, un couloir sale d'à peine un peu plus d’un mètre de large, il y avait quelques appartement à l’allure “pas fini, pas propre” à gauche et à droite. C’est sombre et on est inquietIl nous a fait signe de le suivre et on est sorti dans la rue. On a traversé une rue très commerçante, et il y avait de tout. Des gens qui font la cuisine sur le trottoir et d’autres qui mangent à côté assis sur des banquettes d'à peine 15 centimètres de hauteur. Un moto transformé en cuisine, à l'arrière un carré barbecue et un autre avec l’eau chaude pour la soupe, au milieu un carré avec des morceaux de volailles prêt à griller et un autre avec des légumes et des pâtes pour la soupe. On a marché pendant un bon quart d’heure en regardant le marché, puis soudain il s’est enfoncé dans une petite ruelle que nous on aurait dit, un couloir sale d'à peine un peu plus d’un mètre de large, il y avait quelques appartement à l’allure “pas fini, pas propre” à gauche et à droite. C’est sombre et on est inquiet

- Mais où est-ce-qu’il nous emmène? -Demande quelqu'un.

Bak lui, il ne répond pas et commence à monter les escaliers. On le suis en silence et on est monté à l’étage par des escaliers pas finies non plus et pas moins propres, pour enfin arriver au deuxième étage, il pousse une porte et nous invite à rentrer et oh surprise, c’est propre, ambiance tamisée avec des jolis tapis par terre, des tabourets et des tables basses . C’est plein des gens, ça parle et ça rigole et on doit faire des efforts pour chercher une place pour nous.

On nous sert un café, comme on offre un présent, presque comme un cadeau. C’est trop beau et délicat. La finesse de la céramique blanche contraste finement avec la couleur noir du contenu. Le contenu n’est pas très liquide mais ce n’est pas une gelée non plus. Sur la surface blanchattre, il y a des tiges de plantes avec trois feuilles et de fleurs delicatement dessinés avec du café bien noir. J’ai vu une autre tasse avec un petit papillon délicatement dessiné. C’est presque une œuvre artistique qu’on voudrait admirer et pas casser. Et en plus ça dégage une bonne odeur de café et c’est bon.

- C’est ça que tu veux? - me dit Bak sur de lui

On à fait un tour dans la ville, on a vu tout ce que les touristes veulent voir mais avec des explications anecdotiques en plus. Il y a beaucoup beaucoup de trafic dans la rue.

- C’est incroyable la circulation -Je lui dis- Les gens roulent pas vite dans leur mobylettes, ils ont l’air tranquilles, ils sont cools, et toujours souriants. On dirait qu'ils ne sont pas pressés du tout, pas énervés, J’ai l’impression qu’il doit y avoir très peu de conflits ici. Ah quelle différence, à Paris les gens sont toujours pressés et en plus ça gueule…

- A Paris ça gueule… et c’est mieux - il me répond - Ici, en cas de conflit, ils estiment très rapidement que les mots ne sont pas suffisants, que ça ne sert à rien de parler et de s'expliquer, alors ils vont aux mains sans transition, surtout les jeunes. Il faut faire attention, si par hasard ils ont un couteau…

- Eh voilà, toi qui croyais avoir trouvé un monde meilleur… - Le petit diable se moque de moi

Le lendemain, on est parti vers Mai Chau. Le minibus attaque lentement la route sinueuse de la montagne. Bak nous a fait un peu d’histoire, le Vietnam longtemps dominé par la Chine, puis par les Français, mais jamais vaincue… soudain le minibus s'arrête. On était en mi-hauteur et on voyait la vallée verdoyante en bas. Au bord de la route il y avait une épicerie construite comme une cabane en bambou. A côté, dans une autre cabane, ce qui semble être un restaurant. On fait la cuisine au feu de bois par terre. Pour manger il y a des tables avec des tabourets de quarante centimètres de hauteur. Il y a aussi une piste de danse.

Le mini bus s’est arrêté, et ce n’est que là qu’on a vu la femme medecin et la dentiste descendre du minibus habillées avec un short tres provoquant, trop haut sur les cuisses

- Oh mon Dieu -c’est exclamé notre copine- qu’est-ce qu’il leur arrive!

C'est vrai que c’est moche de voir des personnes d’un certain âge et plus, habillées avec un short à ras les fesses comme de jeunes filles de 15 ans dans un pays chaud.

Bak les regardait avec surprise.

- Elles sont comme ça toutes les vieilles françaises? -m’a dit

- Toutes? - j’ai répliqué - Je n’en sais rien.

- Non mais je veux dire, tu crois qu’elle veut, qu’elle cherche quelque chose?

-Non Bak, arrête, dans tous les pays il y a des cas…

Et sous le conseil de mon diable, je suis allé leur demander.

- Bak, il veut savoir pourquoi vous vous êtes habillés comme ça?

- Comme ça comment?

- Comme ça quoi, très chaud. Je crois qu’ici le short à ras les fesses est indécent car les femmes sont pudiques…

Elles semblent étonnées

- Nous allons souvent au Senegal et on s’habille comme ça la-bas, ici on est dans un pays chaud, n’est-ce pas? ha ha ha -elle rigole - si tu savais, on a même fait des danses très chaudes au Sénégal, ha ha

- Regard Bak - me dit le diablotin tout bas- il a quelque chose…

Elle me regarde et elle me lance ses mots-là

- Au Sénégal ce n’est pas des danses sobres, comme les danses bien habillés du Pérou, ce sont des danses chaudes, érotiques, non mais toi, tu ne connaîtras jamais ça, ha ha ha -elles rigole encore.

Le diablotin ouvre sa grande bouche.

- Là tu vas leur en mettre plein la g…

- Tu vas te taire ? -je l’ai arrêté

J’ai attendu qu’elle termine de rigoler, puis je lui est tout doucement dit

- Tu connais la danse péruvienne “el alcatraz”?

- Alcatraz comme la prison très connue?

- Oui, Alcatraz en Espagnol, est en réalité le nom d’un oiseau marin, comme le pélican mais avec une poche plus grande. Il marche sur la plage comme un canard en bougeant l'arrière à gauche et à droite.

- Ce n’est pas aux USA ça?

- Aussi. Mais “el alcatraz” est une danse des anciens esclaves africain dans la côte péruvienne. Il y a quelques siecles, on l’a dansée de manière tellement erotique que l’inquisition à cherché à les empecher par tous les moyens incluant la torture. On leur a coupé une main aux garçons mais… on ne peut pas couper toutes les mains qui travaillent. Les maîtres ont cherché à engrosser les jeunes filles mais… ça ne dure pas longtemps et ça posait un autre type de problème, A la fin on leur a interdit les instruments musicaux mais ils ont continué à les jouer avec une caisse en bois à la place du tambour, et une mâchoire d'âne avec les dents qui tremblent à chaque coup.

- Au temps de l’inquisition? Mais qui danse ça aujourd'hui? Où ça que ça se danse?

- A Lima oui, aujourd'hui la danse est adoptée par les indiens, les asiatiques, les noirs et les blancs mais c’est plus soft qu’avant. La femme danse comme un canard ou alcatraz en remuant les fesses comme un folle, et l’homme la poursuit avec une bougie à la main et il essai de lui brouler ses fesses. Elle fait quelques pas en avant pour fuir et soudain un pas en arrière. Si elle arrive à surprendre le gars et à éteindre la bougie, ce sera la honte suprême pour lui…

Bak il est chaud chaud chaud, et il dit

- Il y a une piste de danse, on va demander de jouer alcatraz et on va danser…

On a suivi Bak jusqu’au restaurant et à ma totale surprise, ils ont cherché le mot clé “el alcatraz Pérou” et ils ont trouvé une vidéo sur youtube, et aussitôt la sono à craché le rythme endiablé de la musique. On a été obligé de danser, là, dans une route de montagne au pied d’une falaise, en pleine forêt vietnamienne.

- Et vas-y, c’est le moment de s’amuser -me dit le diablotin

Les deux femmes se sont mises à danser, elles sont sorties de la cabane en dansant et je me suis vu danser comme un fou en faisant des mouvements pas très catholiques derrière elles, ça rigolait des tous les côtés. Quelques voitures se sont arrêtées pour nous regarder.

- Vas y, vas y encore - ajoute le diablotin

J’ai eu un peu honte et quelqu’un à dit “stop, stop, on va aller voir la falaise maintenant”

Bak lui, il ne rigolait pas.

- Mais qu’est-ce qu’il t’arrive mon cher Bak - je lui est dit

- Je ne peut pas dormir dans le lit de ma femme en ce moment -me repond-t-il

- Ah bon? et pourquoi.

-Au Vietnam, quand une femme se marie, elle doit obeir à la mère du mari, et ma femme, elle a du mal à lui obeir, alors ma mère l’a engueleé, car elle a le droit, et moi -il fait une pause- je n’ai pas le droit de defendre ma femme fase à ma mère. Alors elle pour se venger, elle ne me laisse pas rentrer dans son lit. Je dors par terre en ce moment…

- C’est pas grave, ça va passer tu verras, ça ne dure pas très longtemps ces choses là…

- Non, c’est vrai, mais ça dure déjà quatre mois… -dit-il d’un aire grave

On a compris. Il faut tout arrêter.

J’ai marché vers le bord de la falaise, la vue de la forêt est impressionnante, une petite brise remue la cime des arbres. Il fait chaud. Il y a quelqu’un qui fait la cuisine par terre, quelques briques, du feu de bois et c’est tout, il me présente un morceau de bambou qu’il sort de l’eau bouillante, à l'intérieur il y a du riz gluant enveloppé dans une feuille de bananier, ça dégage une bonne odeur. J’ai faim. On est tous montés dans le minibus et on a continué à rouler, rouler jusqu'à la prochaine étape…

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